Quelques concepts informatiques qui peuvent aider dans le quotidien du travail.

On parle régulièrement de remettre de la créativité dans le travail et de la difficulté de responsabiliser les travailleurs. Chacun y met du sien, “il faudrait que tout le monde puisse participer”, “écouter ceux qui sont sur le terrain”, “récolter les expériences”, “simplifier les procédures”, “réduire la lourdeur administrative”, etc…Une question se pose dès lors : si tout le monde (usagers, collègues, directeurs…) trouve que ces concepts relèvent d’une bonne idée, comment éviter que la technologie ne freine leur application?

Je ne parlerai ici que de ce que j’ai déjà pu remarquer dans mon domaine, à savoir les technologies de l’information, internet, l’informatique en général dans le secteur public. Cette analyse cadrée dans le domaine des nouvelles technologies est certainement parcellaire, mais j’ose espérer qu’elle est exemplative d’une manière de fonctionner.

Il me semble important de réfléchir à l’impact que les choix techniques ont sur nos modes de fonctionnement. Et en quoi brider ces outils ou faire des choix techniques peu judicieux va à l’encontre de cette envie de mettre la créativité et la responsabilité au centre du travail. Car d’une part ces outils font partie intégrante du quotidien administratif et que d’autre part la théorie de la communication nous apprend que le canal de communication est intimement lié au message exprimé.

Les technologies de l’information sont depuis quelques années les précurseurs de concepts qui progressivement se distillent dans la vie de tous les jours. Ce qui à un moment donné semble être utopique, révolutionnaire, inconcevable, devient quelques années plus tard la norme. En observant les nouvelles tendances issues du monde technologique, le service public peut gagner du temps, du crédit face aux usagers, et parfois même de l’argent. Les quelques concepts ci-dessous, issus des tendances récentes au niveau informatique, sont mis en parallèle avec le monde du travail.

Service public = open source

Un logiciel libre (ou open source) est un programme dont les méthodes et techniques de conception sont accessibles et modifiables par tous. Il accorde quatre droits fondamentaux aux utilisateurs:

  • le droit de l’utiliser sans restriction d’usage,
  • le droit d’en étudier son fonctionnement grâce à sa recette de fabrication (son code source) disponible,
  • le droit de distribuer à ses proches ou à tout autre personne,
  • le droit de le modifier pour l’adapter à ses propres besoins[1]

Il n’est sans doute pas nécessaire de rappeler l’intérêt et la logique d’utiliser des logiciels libres dans un cadre de service public, d’autant que cet intérêt a été confirmé par la déclaration de politique communautaire[2].

En plus des arguments cités dans ce document, citons les intérêts en terme de simplification des appels d’offre, de pérennité des choix techniques, d’indépendance face aux prestataires.

Transparence de l’administration = Open data

“Une donnée ouverte est une donnée numérique, d’origine publique ou privée, publiée de manière structurée selon une méthodologie qui garantit son libre accès et sa réutilisation par tous, sans restriction technique, juridique ou financière. L’ouverture des données (en anglais open data) représente à la fois un mouvement, une philosophie d’accès à l’information et une pratique de publication de données librement accessibles et exploitables”.[3]

On peut voir aisément l’intérêt d’une telle approche. Mettre en ligne un ensemble de données, librement et sans restriction, rentre directement dans l’idée de fournir un service public plus transparent. Qu’il s’agisse de compte rendus de réunions parlementaires, des chiffres clé de l’enseignement, de la répartition des écoles par arrondissement, des annuaires en tout genre, il y a probablement quelqu’un, quelque part, qui pourra faire un usage novateur de ces données si nous les rendons plus accessibles. Qui sait si un citoyen ingénieux ne proposera pas un jour une méthode de répartition des élèves en fonction des données géographiques et démographiques qui permettrait de rendre le “décret inscription” plus oppérant?

On pourrait sans doute argumenter que des données générées à l’aide de financement publics devraient de facto être publiques. Il en va de même pour la recherche scientifique, mais c’est probablement un autre débat.

Logique participative des bénéficiaires = user generated content (contenu généré par les utilisateurs)

“Le contenu généré par les utilisateurs (en anglais User generated content, ou UGC) se réfère à un ensemble de médias dont le contenu est principalement, soit produit soit directement influencé par les utilisateurs finaux. Il est opposé au contenu traditionnel produit, vendu ou diffusé par les entreprises de média traditionnelles.”[4]

Prendre le “risque” de faire participer les bénéficiaires, est souvent très bénéfique pour une institution. Elle s’ouvre la possibilité de recevoir des usagers du contenu, parfois de qualité, souvent corrigé par les pairs (wikipedia en est un bon exemple) à moindre frais. La question des licences a été réglée depuis longtemps dans le cadre des logiciels libres, et ces licences sont désormais adaptées à un usage plus large.

Logique participative des employés = crowd sourcing internalisé

Le crowdsourcing (en français collaborat1 ou externalisation ouverte2), un des domaines émergents de la gestion des connaissances, est l’utilisation de la créativité, de l’intelligence et du savoir-faire d’un grand nombre de personnes, en sous-traitance, pour réaliser certaines tâches traditionnellement effectuées par un employé ou un entrepreneur.[5]

Extension du principe précédent, les principes de crowdsourcing pourraient tout à fait être appliqués au travail en interne. Combien de fois un service ne lance-t-il pas une initiative intéressante, pour se rendre compte plus tard qu’un autre service a déjà mis en place une autre solution qui fonctionne? En fédérant les idées, en rendant celles-ci disponibles sur la toile, un projet pourra être commenté, amélioré, réutilisé par d’autres services, et pourquoi pas, par d’autres administrations.

Un exemple concret : mise en place d’une photothèque

Admettons que plusieurs services veuillent partager des sources photographiques afin d’illustrer leurs sites web, leurs brochures, etc.

Si ce cas de figure se présente régulièrement, et afin de pérenniser le matériel photographique fourni par les différents services, il serait intéressant de mettre à disposition une photothèque au sein d’un groupe de travail.

  • afin de limiter les coûts et risque d’implantation, une solution open source pourrait être envisagée. Le choix de l’open source pourrait même être un impératif si on est d’accord avec l’idée que cette collection de photos doit pouvoir être exploitable librement par le groupe de travail sans dépendre d’un fournisseur de solution logicielle.
  • au niveau des droits d’accès : liberté à chacun d’alimenter la photothèque avec des photos (issues des activités du service ou autre, par exemple issues d’une pratique personnelle). On garde la trace de qui fait quoi sur le système. Les utilisateurs s’engagent à respecter les règles du jeu (entre autre : avoir les droits des images, et le respect du droit à l’image des personnes représentées)
  • liberté à tout service d’utiliser ces photos sans devoir rendre des comptes, vu que l’usage rentre dans le cadre défini du travail.

On voit avec cet exemple l’importance de proposer un système le plus ouvert possible si on veut encourager la créativité des emplyés et des services. On peut également en déduire que ce type de fonctionnement permettrait de responsabiliser les utilisateurs.

Conclusion

Le choix des outils a une influence sur le respect de la notion de service public. Les outils basés sur les concepts d’open source, d’économie contributive, et d’open data sont à privilégier dans bien des situations. Ce ne sera pas obligatoirement plus facile, mais nous sommes là face à une obligation morale voire légale, qu’il serait dommage de ne pas respecter, ne serait-ce qu’au nom de la créativité.

Ces concepts ne sont pas des idées isolées défendues par des hurluberlus. Au mois de mai 2013, 70% des sites internet utilisent un serveur issu de la communauté open source[6].

 

 


[1] Définition fournie par l’April, www.april.org